lundi 28 février 2011

Une question d'amour




" Je sais pas si j'ai manqué au cinéma français mais ...à moi le cinéma français a manqué follement ... éperdument ... douloureusement et ... votre témoignage, votre amour me font penser que peut être, je dis bien peut être je ne suis pas tout à fait morte".



C'est de cette fragilité là dont je parlais. De ce besoin d'amour toujours plus grand que les autres. Non je ne pense pas que l'on choisisse ce métier par hasard. Ma première motivation était l'amour. L'amour est toujours du reste la première motivation... Oui, c'est ça, au début je voulais être aimée. Je ne pense pas que l'on ressente l'envie de créer sans quelques blessures plus ou moins enfouies, sans ce besoin monstrueux d'amour. Avec le temps, j'ai appris à me défaire de ce besoin ou du moins à le rendre plus supportable. Les comédiennes n'ont presque pas le choix, elles. Tout est question de désir et d'attente. L'attente d'être choisie par un metteur en scène, l'attente d'être aimée par un regard. N' exister que dans le désir de l'autre. Le succès c'est encore autre chose. 

Le regard des autres comédiennes encore jeunes, ce cri d'amour, la musique d'Indochine... Annie Girardot terriblement sincère me rappelle le cruel cri d'amour de Pialat à Cannes. Parce que oui, définitivement tout n'est que question d'amour et que le cinéma vient une fois de plus de perdre une belle âme.

L'envie

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce ne sont pas les réalisatrices ou réalisateurs qui m'ont donnée envie de faire ce métier avant toute chose. Mais les comédiennes. Femmes fortes, fascinantes, intemporelles. Dans la nuit américaine Alphonse se demande si les femmes sont magiques. Ce sont les comédiennes qui le sont.  

En tant que femme, il y a forcément un phénomène d'identification qui s'opère. Je me suis récemment posée la question de savoir pourquoi elles m'avaient autant fascinée. En y réfléchissant bien, je ne m'étais construite jusque là qu'avec des modèles masculins surtout dans la littérature et le cinéma. Je pense que pour la première fois, je compris qu'être une femme ça pouvait être aussi cela. Oui pour une fois j'avais une représentation de femme dans laquelle je pouvais m'identifier et qui me convenait.C'est donc bien dans le cinéma que j'ai pu aussi me construire en tant que femme. Finalement l'art qui a donné le plus la parole aux femmes, celui où elles se sont le plus exprimées aussi c'est le cinéma. Le cinéma est résolument un art féminin ! J'allais voir les films pour les comédiennes au début. C'est sans doute pour cela aussi que j'aime autant Truffaut... Elles m'ont tout appris en somme : des heures à les regarder, les voir jouer, parler de leur métiers, de la direction d'acteur. C'est peut être même pour cela que j'ai voulu réaliser au début : être proche d'elles. 

J'ai appris plus tard à quel point point elles pouvaient être fragiles et exposées. Tout est religieux dans le cinéma au fond. De la création au sacrifice. Sacrifice que les comédiens acceptent. Il n'y a pas de manipulation là dedans mais plutôt un accord tacite entre le metteur en scène et ses comédiens. Le rêve incarné en chair et en sang : l'ultime récompense, l'orgasme le plus jouissif. Mais les comédiennes encore une fois n'ont pas le même statut que les comédiens du fait même que ce sont des femmes. On ne pardonne jamais à une femme de ne pas être jolie, encore moins à une comédienne, ni de vieillir par exemple. Sacrifice d'autant plus grand puisqu'elles se retrouvent sur le devant, beaucoup plus observées que le metteur en scène, beaucoup plus déshumanisées aussi. Femmes ou images ? La confusion est si dévastatrice. 

Catherine Deneuve
Lorsque l'on fait ce métier on doute constamment. A 20 ans je traversais une période de doutes assez intense, la philosophie éclipsa un moment le cinéma. Je crois qu'à cette période je n'avais plus envie de cinéma. Et c'était terrible. Et il y eu le 1er novembre 1998. Catherine Deneuve. Place Vendôme. En la voyant je sus à nouveau ce pour quoi j'étais faite : elle venait de me redonner envie d'avoir envie. Cette femme m'a quasiment faite renaitre à nouveau et compléta mon éducation cinématographique. Je découvris les réalisateurs avec lesquels elle avait tourné, puis leur films, etc. Elle n'est pas la seule même si elle demeure pour moi l'Actrice et beaucoup d'autres ont exercées une influence sur ma vie de femme et de réalisatrice. Il y a celles avec qui je ne tournerais jamais parce que déjà parties. Celles avec qui je dois tourner avant de mourir. Celles que je ne connais pas encore mais qui me tarde de découvrir et donner envie d'avoir envie à d'autres que moi...


Gena Rowlands
Romy Schneider
Vivien Leigh
Ava Gardner

Natalie Portman

Une certaine idée du cinéma

Le 21 octobre 1992, j'avais 14 ans. C'était la première fois que j'allais voir un film que j'avais vraiment choisi. Je l'avais même attendu. J'entrais impatiente au Nouveau Paris, une salle qui n'existe plus à présent. La salle s'éteint. Ma vie commence. Les nuits fauves aussi. 

J'ai su que ma vie ne pourrait être autrement. Si j'avais abandonné depuis longtemps l'idée de me faire baptiser je trouvais une autre religion dont l'autel lumineux me rapprochait de la vie. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans le cinéma. Il m'a littéralement sauvée. Mon plus beau sacerdoce. Mon plus bel amour. J'ouvrais les yeux sur le monde. J'ai appris la vie au cinéma. Après, il m'a fallut vivre... Il y avait Jean et Laura terriblement vivants qui s'aimaient et se déchiraient sous mes yeux. Jean. Cyril Collard. Non, il n'y a pas de hasard dans le hasard. Je le compris plus tard. Pour une fois la réalité me parut intéressante.

C'est de cette réalité là que nous devons apprendre. Celle qui transcende ce qu'il y a de plus pur en nous. Je ne vois le réalisme que de ce point de vue là : une nécessité absolue et sincère. Le reste n'est que bavardage. Et c'est ce dont manquent les films cruellement. La plupart du temps je me demande toujours pourquoi et surtout comment cette personne a pu faire ce film. Lorsqu'on ne se pose pas la question, le film est déjà presque réussi. On ne devrait faire un film, et c'est valable pour n'importe quelle forme de création, que par nécessité absolue. Il n'y a pas de sujets plus nobles que d'autres tant que l'on parle de ce que nous sommes. Mais doit on pour autant négliger la forme ? Il y a une certaine tendance du cinéma français à faire une lumière laide, une photo quasi inexistante sans parti pris esthétique. Et c'est la même chose pour la mise en scène. Parce que la course au financement a sacralisé une certaine forme de scénario ou plutôt de sujets et de modes de traitement. Faut il faire des films pour qu'ils soient financés ou parce que l'on a quelque chose à dire ? L'éternelle question et rapport de force du cinéma et de l'industrie. Mais si le cinéma est une industrie il ne doit pas pour autant oublier qu'il est un art. Peu importe au fond cet agacement que j'éprouve puisqu'il est le moteur d'une certaine idée du cinéma pour laquelle je me battrais toujours, d'une certaine idée de mon cinéma.

Plus longtemps encore que ce 21 Octobre 1992, ma grand mère m'amena pour la première fois  au cinéma. Je devais avoir 5 ou 6 ans et découvris avec émerveillement Blanche Neige. C'était aussi  au Nouveau Paris, qui était situé à la rue pavillon dans le premier arrondissement de Marseille. Non, vraiment il n'y a pas de hasard dans le hasard.