jeudi 11 août 2011

Coney Island

by Eleonore Bridge



06:00am

Bouche lourde. Métallique. Le soleil me tue.
J'ai roulé toute la nuit sur le sable. Fiévreuse. 
Ton corps a le goût d'une pomme d'amour. 
Face caméra. Je cours au milieu des magasins aux stores baissés. 
Le long de la palissade.
Le bois craque sous mes pieds. Ta main sur ma cheville.
Sur le sable. Encore. Toujours.           Toujours.
Ta langue sur mon cou. Tête tranchée.
Je l'ai jetée très loin devant moi. Pour que le sable l'aspire, ma tête.
J'ai trouvé la bague de Léonard et l'ai avalée. Parce qu'elle n'aurait servi à rien.
Doigts mouillés. Ton sexe aspire ma peau. Rongée jusqu'à l'os. 
Je vais regagner Manhattan à la nage.
Nue et dégoulinante dans la ville. Marquer l'asphalte à coup de sexes affamés.
Le métro m'a ramenée à Coney Island.
                  04:00pm.
Assise dans le sable. Je ne vois que toi.
Tes mains sur mon front. Le vent balaye tes longs cheveux sur mon visage.
Bouche entrouverte. Mes dents s'emparent de ce fil trop soyeux et blond. 
Comme un grain de sable. Il ne reste plus qu'à courir dans l'océan.
Nager. Nager jusqu'à la ville. 
Loin de moi.







mardi 9 août 2011

Lettre à une jeune moi-même


8h20.

Le réveil de l' astre mort.
                                        Le sang au bout des seins.

Il faudra que tu te rappelles de cela : ça revient TOUJOURS. Lorsque cela ne sera plus ainsi tu pourras pourrir. Parce que c'est comme deux seins lourds et blancs. C'est ton coeur que tu dévores en les contemplant. Tu as tété trop tôt la mamelle interdite. Ta bouche a de l'encre séchée. Noire. Parce que c'est mieux que bleue. Des candélabres et un aigle. Tu n'avais besoin que de cela. Mais c'était comment ? Comme regarder ta photo enfant et ne plus te rappeler que c'était toi. Peut être que tu ne te regardais pas assez ? Il faudrait que rien ne nous échappe.     Certainement pas ! 

Deux seins lourds et blancs. Ca ne s'invente pas. Tu croyais qu'on pouvait tuer le temps. Ils t'ont dit que ce n'était pas possible. Alors tu l'as figé. C'est un peu de ton sang dans un globe de mariée. Jambes entrouvertes. Des petits yeux de verre ronds et bleus s'échappant d'un sexe rose. Ah il se passe des choses incroyables entre mes cuisses ! Le coeur de mon monstre. C'est parce que je m'arrache les yeux souvent. Ils s'accommodent trop facilement de ce qu'ils voient. Ce qu'il faut c'est un sang neuf. Constamment. Alors je les engloutis. Ils peuvent visiter ce qu'il y a à l'intérieur. Et lorsqu'ils ont sondé mes tréfonds je les extirpe de mon sexe et les replace. Neufs. Pour un temps seulement. Parce que même nue, ma peau est une tunique de Nessus que les assauts de Prométhée n'ont pas suffit à calmer. Je me souviens encore de son torse de marbre. Mes doigts jouant avec ses boucles le long de sa nuque. Je me cramponnais à ses épaules à chaque fois qu'il s'enfonçait dans mon sexe visionnaire. Et je baisais le corps de Méduse avec ferveur. A la lueur des bougies ma tête se renversait dans la mer. Tentacules gluantes. A chaque fois mes seins étaient brûlés. La pieuvre m'attirait vers elle. Et je m'endormais nue dans ses bras. 
Nager sous l'eau. Tu te souviendras mieux à présent. Le temps ne dure qu'une seconde. Il faudra que tu sois cette seconde. Extirpée hors de l'eau par Pégase. Accrochée à son cou. Mes cheveux battent mon dos. Tu avais raison ce n'est pas si différent. 
La fenêtre est ouverte. Des voitures passent. Pneus sur l'asphalte. Mais j'entends les vagues. C'est la pellicule qui m'étrangle. Je tombe en arrière. La tête contre le plancher. Mon sang se répand. L'oeil de mon sexe scrute l'aigle qui se désaltère de mon vin éthéré. Et je ris doucement.