lundi 28 février 2011

Une certaine idée du cinéma

Le 21 octobre 1992, j'avais 14 ans. C'était la première fois que j'allais voir un film que j'avais vraiment choisi. Je l'avais même attendu. J'entrais impatiente au Nouveau Paris, une salle qui n'existe plus à présent. La salle s'éteint. Ma vie commence. Les nuits fauves aussi. 

J'ai su que ma vie ne pourrait être autrement. Si j'avais abandonné depuis longtemps l'idée de me faire baptiser je trouvais une autre religion dont l'autel lumineux me rapprochait de la vie. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans le cinéma. Il m'a littéralement sauvée. Mon plus beau sacerdoce. Mon plus bel amour. J'ouvrais les yeux sur le monde. J'ai appris la vie au cinéma. Après, il m'a fallut vivre... Il y avait Jean et Laura terriblement vivants qui s'aimaient et se déchiraient sous mes yeux. Jean. Cyril Collard. Non, il n'y a pas de hasard dans le hasard. Je le compris plus tard. Pour une fois la réalité me parut intéressante.

C'est de cette réalité là que nous devons apprendre. Celle qui transcende ce qu'il y a de plus pur en nous. Je ne vois le réalisme que de ce point de vue là : une nécessité absolue et sincère. Le reste n'est que bavardage. Et c'est ce dont manquent les films cruellement. La plupart du temps je me demande toujours pourquoi et surtout comment cette personne a pu faire ce film. Lorsqu'on ne se pose pas la question, le film est déjà presque réussi. On ne devrait faire un film, et c'est valable pour n'importe quelle forme de création, que par nécessité absolue. Il n'y a pas de sujets plus nobles que d'autres tant que l'on parle de ce que nous sommes. Mais doit on pour autant négliger la forme ? Il y a une certaine tendance du cinéma français à faire une lumière laide, une photo quasi inexistante sans parti pris esthétique. Et c'est la même chose pour la mise en scène. Parce que la course au financement a sacralisé une certaine forme de scénario ou plutôt de sujets et de modes de traitement. Faut il faire des films pour qu'ils soient financés ou parce que l'on a quelque chose à dire ? L'éternelle question et rapport de force du cinéma et de l'industrie. Mais si le cinéma est une industrie il ne doit pas pour autant oublier qu'il est un art. Peu importe au fond cet agacement que j'éprouve puisqu'il est le moteur d'une certaine idée du cinéma pour laquelle je me battrais toujours, d'une certaine idée de mon cinéma.

Plus longtemps encore que ce 21 Octobre 1992, ma grand mère m'amena pour la première fois  au cinéma. Je devais avoir 5 ou 6 ans et découvris avec émerveillement Blanche Neige. C'était aussi  au Nouveau Paris, qui était situé à la rue pavillon dans le premier arrondissement de Marseille. Non, vraiment il n'y a pas de hasard dans le hasard.






2 commentaires:

  1. Bravo Delphine pour cet article émouvant, sincère et élogieux en ce qui concerne ton idée du cinéma. Je te rejoins complètement sur ce sacerdoce, et m'unis à toi pour transmettre ta vision, celle d'un cinéma français toujours vivant, en mouvement, quelques que soient ses approches. Les femmes ont de plus et plus que jamais une part essentielle dans cet art, et les premières images de ton travail m'invitent à te soutenir encore davantage. Bravo aussi pour ce blog dont la première page nous donne encore envie d'en connaître davantage sur toi, réalisatrice, et sur ton idée du cinéma. Bien à toi, un confrère, Bruno François-Boucher.

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