dimanche 6 mars 2011

Un Art dréssé


Non, ce n'est pas de la nostalgie juste un constat terriblement moderne : Nous avons les images que notre société mérite. Les césars n'y échappent pas. Il y a d'abord les nominations. Comme toujours cette horrible impression qu'il n'y a eu que 5 films français dans l'année. Si au moins ils étaient audacieux, neufs et créatifs cela irait. Puis les comédiennes. Est ce au nom de la modernité que l'on nome Sara Forestier en face de Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg, Isabelle Carré et Kristin Scott -Thomas ? Pour glorifier la jeunesse nous sommes donc prêts à tout, à condition que ce tout ne rime à rien. 

Sara et son césar, Sara et son discours, Sara et le vide. Un vide entêtant hélas. Non, je n'aime pas Sara Forestier et je n'ai pas envie de me projeter en elle, pas envie de la voir, pas envie de l'entendre, pas envie de ce vide.

Je me souviens du temps où je regardais fébrile et enthousiaste les césars. J'étais peut être trop jeune pour avoir un esprit critique objectif mais il y avait au moins mon coeur qui était touché. Il ne faut jamais oublier le coeur, jamais. Je n'ai jamais aimé l'autorité de l'école et de ce que l'on m'enseignait, ni cette fâcheuse manie de vouloir nous enfermer dans des cases. Au temps de l'innocence, je me disais que le cinéma ce serait différent, que l'on pourrait être ce que l'on est sans besoin de tout étiqueter. Parce que l'Art forcément doit être différent et transcender la réalité, ses codes, ses idées si bien pensantes qu'elles en donnent la nausée. La société clame qu'il faut dompter ce qui n'est pas "normal", commun, courant. Elle veut avoir un Art dressé, un cinéma CNC. Depuis sa création le cinéma est en crise mais il est toujours là, debout, plus ou moins. Le CNC a permis pendant longtemps sa survie grâce à un financement soutenu par l'Etat. Mais je ne suis pas convaincue que le cinéma doivent exister de la sorte. Son mode de financement est sclérosé, asphyxié, unilatéral et terriblement administratif. 

J'ai grandi avec les films de la nouvelle vague, une certaine idée du cinéma, de l'Art et de la rébellion. Une certaine idée de ma famille de cinéma. Le cinéma d'auteurs, aujourd'hui, ne veut rien dire sinon un cinéma nombriliste, faussement intellectuel, méprisant et nivelé par le bas oubliant sa composante première la Lumière. Ce cinéma là est trop bavard sans aucune idée de mise en scène, un téléfilm traité sous un label faussement intello et hautement prêt à penser. La nouvelle vague ce n'était pas cela. Non, la nouvelle vague s'insurgeait déjà contre un système fait par des vieux, avec des codes trop ampoulés et se moquant du public. On pense à tort que les cinéastes de la nouvelle vague faisaient tout, tous seuls. Au cinéma, on ne fait jamais rien tout seul ! Truffaut, Godard et les autres n'écrivaient pas tous seuls leurs scénarios. Ce qui fait d'un cinéaste un auteur ne réside pas dans le fait qu'il écrive ou non le scénario mais sa vision du sujet et surtout la manière dont il le porte à l'image, ce qu'il décide de montrer et la façon de le montrer.  C'est ce qui fait dire à Desplechin : "Oui, Catherine Deneuve est un des plus grands réalisateurs français." (cf : une certaine lenteur, entretien C. Deneuve et A. Desplechin, Ed Payot-Rivages ). Le cinéma ce n'est pas de la littérature. Le cinéma doit être un autre regard sur le monde. Libre, créatif, sensible et révolutionnaire. Toujours en mouvement. Insoumis. Neuf.

Après 1999 je n'ai plus jamais eu le même regard sur les césars. Je ne me suis plus reconnue dans cette famille que j'avais choisie et espéré depuis si longtemps. Avant je voulais que cette famille de coeur m'adopte, je voulais lui plaire. Et puis j'ai grandi. Je me suis formée ma propre famille de cinéma, le désir de la créer l'a emporté. Lorsque les choses ne nous conviennent pas on fait de l'Art ou de la Politique. On les invente. Moi j'ai choisi le cinéma parce que c'était mon genre (au sens warohlien du terme).  La plus grande révolution passe par soi même. Le reste n'est que bavardage. Et le reste m'intéresse peu.

1 commentaire:

  1. Que dire après ces mots à la fois passionnés, virulents, enflammés et surtout, une fois de plus, remplis d'amour pour le cinéma. Je n'ai pas regardé les Césars mais je regarde les films. Je n'écoute pas et ne lis pas les interviews mais entend le coeur des acteurs et des réalisateurs (trices) qui bat sur "l'écran noir de mes nuits blanches". Sara Forestier je l'avais bien aimée pourtant dans "L'esquive, à ses débuts. Après c'est une autre histoire, une histoire qui tourne souvent mal faite à force d'outrances médiatiques qui détournent de l'essentiel. Ton cri est un cri dans lequel je retrouve une partie de moi-même à une certaine époque, et je me dis une seule chose : vivement que tu tournes, que tu fasses des films.

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